Ref. : zone03
à la maison, j'avais ouvert le plan de Paris, et regardé les arrondissements comme sur "la carte", comme on fait avant de partir vers un pays inconnu.
On regarde s'il y a des plaines, des montagnes, des forêts,
où sont les gens, les villes, les oasis.
On rêve...
On s'imagine un parcours, un itinéraire de voyage.
On se dit : j'aimerais d'abord passer par là, puis par là, ou le contraire, selon ce qu'on cherche au moment du départ, selon son humeur...
Ref. : zone05
c'est comme cela que j'ai abordé le 18 ème - regardé ses frontières, ses limites, observé sa géographie - comme on aborde une planète déjà cartographiée par d'autres mais encore inconnue pour soi.
Je n'avais pas envie de chercher à me rappeler ce que j'en connaissais afin de ne pas passer à côté de ce que je ne connaissais pas.
J'avais envie de photographier la joie, la fête; j'avais envie de photographier des gens à qui cela ferait plaisir.
Ref. : zone07
sur le plan, je remarquais deux zones se différenciant nettement l'une de l'autre.
La première, d'une superficie plus étendue était dense, composée de petites rues occupées par des habitations et des commerces.
La seconde - située à l'est de l'arrondissement, entre le boulevard Ney au nord, le boulevard de la Chapelle au sud, la rue d'Aubervillier à l'ouest, et la rue des Poissonniers à l'est - était plus aérée, et de maillage plus large.
C'est là, cachés aux regards des passants par de grands murs qui n'en finissent plus, que se trouvent les gares aux marchandises, les gazomètres, les ateliers du matériel roulant...
Ref. : zone09
j'ai eu envie d'aller voir par là parce que j'aime les chantiers.
Une journée entière, j'avais observé travailler les dockers de Fos-sur-Mer.
J'étais fascinée par ces paysages de grues, de containers de toutes les couleurs, de charges incroyables que ces hommes déplaçaient.
Ref. : zone23
Démesure. Des barres de plusieurs tonnes s'étaient abattues sur le pont d'un cargo. Les containers d'apparence si solide, s'étaient déformés comme du beurre mou sous le poids de la ferraille.
J'ai voulu retrouver ces perspectives, ces lignes de fuite, ces machines gigantesques, cette ambiance de chantier.
Il n'y a que la mer qui manque et le goût du grand large apporté par ces cargos en provenance d'horizons lointains.
Ref. : zone22
Il faudra trouver à ces voies ferrées des destinations imaginaires...
Ref. : zone25
Le chantier est déserté, nous sommes samedi.
Trou béant au milieu de la ville déserte.
Ref. : zone16
Mais la ville n'offre pas d'espace exempt de cassures, d'obstacles, ou de pièges.
Ref. : zone19
Je n'ai pas l'autorisation de pénétrer sur ces aires de travail.
Ref. : zone24
je me perds dans les rues adjacentes persuadées que ces détours me méneronnt à coup sûr quelque part, peu importe si c'est ailleurs.
Ref. : zone12
je me laisse porter, je marche, me perds encore un peu plus. J'imaginais que tout le 18 ème grouillait de monde, de vie, de couleurs et de sons.
Ref. : zone14
je pense au désert saharien. Très forte envie d'y être.
Tout à l'heure, j'ai entraperçu un vieil homme qui devait venir de là-bas.
J'en suis sûre. J'ai reconnu son habillement. Sa façon de marcher.
Son regard perdu dans la ville. J'ai eu envie de connaître son histoire.
Ref. : zone02
A le voir, je me suis sentie un peu moins seule.
Maintenant il a disparu. Je n'ai évidemment pas osé lui demander de le photographier, ou plutôt, je n'ai pas voulu.
Et puis, cela n'aurait pas eu de sens, aucun sens.
Seule la ville et son vide, son absence à elle même.
Je me retrouve un peu. Le temps et l'espace deviennent autres. Cette absence me remplie, ce vide m'occupe toute entière.
Je ne suis déjà plus à Paris. Le 18 ème m'entraine vers des ailleurs imaginaires.
Ref. : zone04
je cherche des images qui s'imposeraient à moi, des images qu'il me faudrait photographier sans quoi j'aurai l'impression d'avoir laissé échapper quelque chose d'important, un peu de ces réels qui m'entourent et que je dois capturer dans ma boite.
Je cherche des signes. De signes en signes, on arrive bien toujours quelque part.
Ref. : zone06
des gens en chair et en os, je n'en ai pas photographiés, en tous cas, pas de près. Ceux que j'ai fixés sur la pellicule sont déjà plus permanents. On peut s'imaginer tout ce qu'ils ont pu mémoriser depuis qu'ils sont là sur ce mur, témoins privilégiés du coin de la rue du Département et de la rue Caillé, cette ruelle qui porte le nom d'un petit cordonnier français devenu grand explorateur au siècle dernier.
Ref. : zone08
René Caillé embarque à 17 ans sur un vaisseau à destination du Sénégal. Il a pour obsession depuis ses lectures de jeunesse de "découvrir" la mythique Tombouctou. Il y parvient, après plusieurs tentatives s'échelonnant sur plus de 5 années, le 20 avril 1828.
Lors de son 1er voyage en Afrique, il partagea pendant 9 mois la vie des Maures Braknas afin de s'imprégner de leurs coutumes, se convertit à l'islam en se conformant scrupuleusement aux pratiques religieuses et prit le nom d'Abd Allahi, "l'esclave de Dieu".
Ref. : zone10
"enfin nous arrivâmes heureusement à Temboctou, au moment où le soleil touchait l'horizon. Je voyais donc cette capitale du Soudan qui depuis si longtemps était le but de tous mes désirs
Revenu de mon enthousiasme, je trouvais que le spectacle que j'avais sous les yeux ne répondait pas à mon attente; je m'étais fait de la grandeur et de la richesse de cette ville une toute autre idée : elle n'offre, au premier aspect, qu'un tas de maisons en terre, mal construites; dans toutes les directions, on ne voit que des plaines immenses de sable mouvant, d'un blanc tirant sur le jaune, et de la plus grande aridité. Le ciel à l'horizon est d'un rouge pâle, tout est triste dans la nature; le plus grand silence y règne; on n'entend pas le chant d'un seul oiseau.
Cependant, il y a je ne sais quoi d'imposant à voir une grande ville élevée au milieu des sables, et l'on admire les efforts qu'ont eu à faire ses fondateurs."
Ref. : zone13
tandis que j'espérais une rencontre, quelqu'un à qui parler, un vieil homme sortit d'un long couloir sombre près duquel je me tenais pour cadrer une vue d'ensemble de la fresque.
Ref. : zone15
Nous nous sommes salués, il s'adressa à moi :
"- d'où viens-tu ? Tu fais des souvenirs !"
Je luis répondis que j'étais française, ce qui parut l'étonner. A mon tour, je lui demandais d'où il venait.
Il me dit : "- du Ghana, et toi ?"
Je lui répondis : "- du 13 ème arrondissement."
Je lui demandais s'il habitait là, il me répondit que oui, il habitait là depuis 7 ans. Je lui demandais s'il avait toujours vu cette peinture, il dit : "- oui, oui, toujours."
Désignant la fresque, il dit : "- c'est joli."
Ref. : zone11
me fixant droit dans les yeux, il me dit :
"- tu fais une photo de moi" en même temps qu'il faisait un geste comme pour me demander de l'argent.
Le vieil homme à l'humour amer se jouait de moi, se jouait de lui.
Le regard plein de malice, il attendait ma réaction.
Comme si rien ne pouvait plus nous faire échapper à cette relation.
Puis il me dit en me désignant sur la fresque le personnage qui tirait le chameau : "- c'est un grand marabout du Sénégal."
D'après ses gestes, nous nous comprenions avec difficulté, je devinais qu'il me demandait de rester là à l'attendre tandis qu'il devait partir pour un moment.
Il s'en alla vers la rue du Département.
Après quelques minutes, je décidais de partir aussi.
Ref. : zone17
volonté de retrouver un horizon perdu ?
Paris-Tombouctou
Zone blues
Ref. : zone01
je voulais photographier Paris, le désert me manquait, finalement Paris m'a ramenée au désert.